Coup de pouce européen en faveur des jeunes

Avec plus d’un jeune européen sur cinq au chômage, l’Union européenne (UE) a fait de l’insertion de sa jeunesse une priorité….

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Avec plus d’un jeune européen sur cinq au chômage, l’Union européenne (UE) a fait de l’insertion de sa jeunesse une priorité. Pour venir en aide aux 15-24 ans en difficulté, la mise en place d’une “garantie pour la jeunesse” – offrir à chaque jeune de moins de 25 ans un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la fin de sa scolarité ou la perte de son emploi – constitue un nouveau dispositif phare.

Une “génération perdue” ?

Les jeunes constituent la classe d’âge la plus touchée par la crise économique. En septembre 2013, on comptait 7,5 millions de jeunes européens entre 15 et 24 ans ni étudiants, employés ou stagiaires, dénommés NEET (“not in education, employment, or training”). En janvier 2014, 5,6 millions étaient au chômage (23,4 %). Ce taux est plus de deux fois supérieur au taux de chômage moyen dans l’UE (10,8%). Le taux de chômage des 15-24 ans est extrêmement disparate d’un État membre (EM) à l’autre, allant de moins d’un jeune sur dix (Allemagne) à plus d’un sur deux (Grèce et Espagne).

La “garantie pour la jeunesse”

Coup de pouce européen en faveur des jeunes
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Face à la dégradation de la situation des jeunes européens, les initiatives politiques à l’échelle de l’UE et des EM se sont multipliées. Parmi ces initiatives, la proposition de recommandation inscrite dans la Communication de la Commission européenne du 5 décembre 2012 (le “Paquet sur l’emploi des jeunes”), visant à mettre en place une “garantie pour la jeunesse”, a fait florès. La Commission y invite chaque EM à présenter une offre de qualité à tous les jeunes sans emploi ou sans formation de moins de 25 ans dans les quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi.

Tout au long de l’année 2013, la mobilisation politique pour l’adoption et la mise en oeuvre de cette “garantie pour la jeunesse” a été très active. Le 16 janvier 2013, le Parlement européen (PE) a invité les ministres de l’Emploi à adopter la proposition de la Commission. Le Conseil européen de février 2013 a décidé de la création d’une “Initiative pour l’Emploi des Jeunes” destinée à renforcer le soutien à l’emploi des jeunes (avec une aide de 6 milliards d’euros) et, notamment, à promouvoir la “garantie pour la jeunesse”. Le 22 avril 2013, le Conseil de l’UE a adopté la recommandation portant création d’une “garantie pour la jeunesse”. Les EM ont, ensuite, été invités à mettre en oeuvre très rapidement cette initiative. Les partenaires sociaux les ont soutenus en présentant en juin 2013 un Cadre d’action sur l’emploi des jeunes. En 2014, cette mobilisation ne faiblit pas tant au niveau européen qu’à celui des États membres. Dans sa résolution du 25 février 2014, le PE a invité les EM à mettre en place un système adéquat de suivi de l’efficacité des mesures déployées et des ressources financières engagées.

Bonnes pratiques et objectifs

Cette proposition de “garantie pour la jeunesse” s’inspire d’expériences positives menées dans plusieurs EM comme relevé par l’Organisation internationale du Travail et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound). Les pays nordiques européens ont été les premiers à mettre en oeuvre des mécanismes de garantie pour la jeunesse dès les années 1980: la Suède (1984), la Norvège (1993), le Danemark (1996) et la Finlande (1996). Plus récemment, d’autres pays ont créé des programmes similaires comme l’Allemagne (2004), l’Autriche (2004) ou la Belgique (2007).

Pour mettre en oeuvre cette “garantie pour la jeunesse”, quelques grandes lignes d’action ont été définies. Avant toute chose, il s’agit d’amener les jeunes à s’enregistrer auprès des services compétents afin d’identifier leurs compétences et leurs besoins. Une forte coopération entre les services publics de l’emploi, les établissements scolaires et professionnels, les centres d’information et d’orientation mais aussi les employeurs, les associations de jeunes et les syndicats étudiants est attendue pour mettre en place un véritable “filet de rattrapage”. L’inscription dans le système assurée, trois grands axes d’intervention sont retenus:

  • offrir aux jeunes une information complète sur les services et les aides disponibles;
  • adapter et améliorer leurs compétences;
  • aider concrètement à leur insertion sur le marché du travail.

Mise en oeuvre

Les EM sont en train de concrétiser ces priorités dans des plans appelés “Plans Nationaux de mise en oeuvre de la Garantie Jeunesse”. 19 parmi les 20 EM dont le taux de chômage des jeunes est supérieur ou égal à 25% avaient élaboré leur plan fin février 2014. Les autres EM, avec un taux de chômage des jeunes moins élevé, devront avoir soumis leurs plans au printemps 2014. De nombreux instruments visent à permettre la mise en place rapide de la “garantie pour la jeunesse”, en particulier:

  • la nouvelle Alliance Européenne pour l’Apprentissage, lancée en juillet 2013, qui vient appuyer les réformes nationales permettant d’augmenter l’offre d’apprentissage et sa qualité;
  • la proposition d’un Cadre européen pour la qualité des stages (adoptée par la Commission européenne  en décembre 2013) qui devrait soutenir la création de “stages”/”premiers emplois” décents tant quant au contenu de l’apprentissage qu’aux conditions de travail;
  • le programme Erasmus+ (2014-2020) qui continue de promouvoir la mobilité des jeunes via l’éducation et la formation tandis que l’initiative “Ton premier emploi EURES” soutient la mobilité, côté emploi.

Financement européen et coût national

La “garantie pour la jeunesse” est, d’abord, financée par les EM. Cependant, elle bénéficie d’un soutien financier européen. L’Initiative pour l’Emploi des Jeunes a été dotée d’un budget de 6 milliards d’euros pour une période de deux ans (2014-2015). Sur la période budgétaire 2014-2020, au titre du budget communautaire, le Fonds social européen (FSE) constituera une autre source importante de financement. Sur la même période, le programme Erasmus+ devrait, quant à lui, consacrer une part importante de son action aux apprentis. Le programme COSME pour la compétitivité des entreprises et le programme pour l’innovation et le changement social contribueront également à la mise en place de la “garantie pour la jeunesse”. Au budget communautaire s’ajoute le financement de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui, avec son initiative “Compétences et emploi – investir dans la jeunesse”, a déjà apporté une enveloppe de 6 milliards d’euros en 2013.

Parties prenantes

Les partenaires sociaux européens se sont montrés très favorables à la mise en place de cette “garantie”. Les associations de jeunes européens ont également été promptes à apporter leur soutien. Chacune d’entre elles fait, toutefois, l’une ou l’autre remarque. Ainsi, le Forum de l’étudiant européen (AEGEE) invite les États membres à véritablement associer les organisations de jeunesse. Le Forum européen de la Jeunesse souligne la spécificité – et la difficulté – d’un mécanisme qui crée un véritable droit à l’emploi. Le FEPS Young Academics Network rappelle l’importance d’adapter la “garantie pour la jeunesse” aux caractéristiques de chaque État membre.

Tout en marquant leur soutien, des voix s’élèvent pour demander l’extension du droit “garantie pour la jeunesse” aux 25-30 ans (Parlement européen, Comité économique et social européen (CESE), Comité des régions, AEGEE). D’autres voix, nombreuses, s’inquiètent quant à son financement. Les fonds alloués pourraient ne pas se révéler suffisants (Parlement européen, CESE, AEGEE) créant un risque de saupoudrage (Sénat français). D’autres voix plus critiques encore se font entendre. Face aux résultats parfois décevants des expériences pilotes de “garantie pour la jeunesse”, le Centre pour la Politique Européenne (CEP) avance que la “garantie pour la jeunesse” ne fera pas progresser le taux d’emploi des jeunes et qu’une création d’emploi serait plus efficace via la réduction des coûts pour les entreprises ou des mesures fiscales. In fine, l’intitulé même du dispositif pose question notamment au Sénat français. Le terme de “garantie” peut laisser croire que tous les jeunes NEET âgés de 15 à 24 ans pourraient, à court terme, disposer d’une proposition d’emploi ou d’un stage de qualité.


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